Identité et rôle de l'entreprise
- LNE MS
- 15 mars
- 3 min de lecture
Les organisations, et plus particulièrement les entreprises, ont de tout temps joué un rôle à la fois économique, social et politique, quoiqu’en disent les sciences économiques et de gestion et plus récemment le management en sous-entendant que l’économie est amorale d’une part et que l’entreprise ne fait pas de politique d’autre part.
On constate bien aujourd’hui que ce discours enfonce de plus en plus nos entreprises dans des filets bureaucratiques et règlementaires dont s’extraire relève d’un tour de force. Chaque année, de nouvelles contraintes viennent entraver la liberté d’entreprendre et amputer chaque entreprise, surtout les petites et moyennes, d’une partie de leur rentabilité et de leur trésorerie.
Or il a été reconnu que l’entreprise en tant que groupe humain organisé possède un certain nombre de valeurs, une culture, forgées au fil de son histoire, souvent initiées par son ou ses fondateurs et nourries de l’apport des relations humaines qui l’ont faite évoluer. Chaque entreprise a construit son rapport unique au monde, sa façon de réagir à l’environnement, son modèle d’organisation, son système de communication interne, etc.
Malheureusement on assiste depuis une vingtaine d’années à une sorte d’uniformisation des pratiques par le biais du management importé des US et à une radicalisation de la fonction managériale qui tend à en faire un cloître uniquement voué au profit et à la performance, une tour d’ivoire où chacun laisserait ses opinions et sa liberté de penser à la porte de l’organisation.
Tableaux de bord à remplir avant même l’exercice du métier de base, réunions récurrentes où les managers affirment leur autorité face aux exécutants qui … s’exécutent sans mots dire (!), séminaires d’intégration où la propagande des cabinets de conseil anglo-saxons se répand, conquérante, abus de pouvoir de ceux qui ont atteint leur niveau d’incompétence maximal sur les vrais créateurs de valeur ajouté, bref …
Ne peut-on pas alors considérer que nous avons là à faire à un dogme puissant, un totalitarisme qui finalement joue contre les propres capacités du groupe en restreignant les comportements et les idées de ses membres ?
Le déclin massif des syndicats et la multiplication exorbitante des réglementations issues des directives étatiques et européennes en sont les symboles les plus voyants, le burn-out d’une grande partie des salariés et les innombrables cas de harcèlement par de petits chefs-miliciens, les conséquences désastreuses, tout comme le déclin général des économies occidentales, la fuite de leurs cerveaux et la lente agonie de leur identité.
L’entreprise n’est que la réplique microcosmique de la société. Elle a perdu le sens profond de son existence. Elle devrait devenir aujourd’hui le premier lieu où le pouvoir citoyen des idées nouvelles s’exercerait.
On a dit aux dirigeants, décideurs, chefs d’entreprise que leur utilité se limitait à créer de la valeur. Certes, mais à quel prix, dans quelles conditions, pour quoi exactement, en reniant et laissant de côté quelles valeurs. Même si certains chefs d’entreprise se reconnaîtront tout à fait dans la ligne imposée, la plupart se sentent captifs, à l’étroit, dans ce modèle étriqué d’acteur purement économique.
Là aussi, on ne peut se contenter d’un seul axe. Le phénomène de complexité et sa collatérale vision holistique ne doivent pas être abandonnées à la porte de l’entreprise. On a fallacieusement introduit la notion de RSE, Responsabilité Sociétale de l’Entreprise, afin de lui imposer encore plus de normes, d’interdits, d’obligations, de contraintes.
Or elle a besoin de liberté, d’un cadre élargi voire de pas de cadre du tout. Chaque entreprise possède une identité, un code génétique et un acquis qui aujourd’hui luttent à s’exprimer pour finalement abandonner l’affaire sous le joug de la pensée unique. L’exemple des services publics est révélateur, France Télécom, La Poste, les hôpitaux, … mais un grand nombre de PME, de fleurons français ont perdu leur identité à vouloir obéir à la normalisation du management à l’anglo-saxonne.
Alors il est temps de changer son fusil d’épaule et de réintroduire la politique au cœur des décisions, de reconquérir sa propre vision des choses et de faire confiance au groupe humain qui, loin des contraintes et abus bureaucratiques, saura redonner du sens et de la vie à son organisation, son métier, sa place dans la société.
Chaque acteur au sein de l’entreprise retrouvera sa motivation et la force de se battre pour ce qu’il croira juste et justifié. Chaque entreprise reflètera dans ses choix et positionnements sa personnalité, son identité. Elle n’aura pas à se travestir, à jouer un rôle, elle sera vraiment elle.
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